jeudi 30 septembre 2010

La maison des secrets

Trahir, séduire, manipuler, telles sont les "valeurs" mises en avant dans cette émission de téléréalité fictionnalisée comme une série (voir le générique à la Desesperate Housewives) et fonctionnant comme un jeu avec missions, cagnotes, et éliminations. Les filles sont moulées dans des robes ultra courtes, perchées sur des talons vertigineux, maquillées comme des actrices, les garçons sont plus diversifiés mais les dialogues sont vains, vides; on chipote, on se dispute (la dispute relance l'intérêt du feuilleton du jour), les alliances basculent et il s'agit toujours autant de plaire. Quel monde s'offre à nos yeux ? Est-ce là que les enfants apprennent les codes qui régissent les relations ? Sont-ce les modèles qui les aideront à devenir femmes ou hommes ?
Les enfants regardent dès le primaire et l'émission Secret Story est très populaire (Laura.G)

jeudi 9 septembre 2010

Un adolescent coréen

Le récent film de Lee Chang-dong "Poetry" a surtout frappé la critique pour le personnage de Mija, cette grand-mère atteinte d'Alzheimer qui se lance dans la poésie. Et il est vrai qu'elle est omniprésente à l'écran. Mais on peut aussi se focaliser sur le personnage de son petit-fils, dont elle a la charge et qui va provoquer dans l'univers de cette vieille dame un véritable séisme psychologique et moral. Cet adolescent ne pense qu'à lui, à la télé et à ses jeux vidéos, à se faire servir par sa grand-mère avec laquelle il est particulièrement odieux. Et lorsqu'elle découvrira qu'il a participé à un viol collectif dont l'issue aura été le suicide de la malheureuse victime, elle tentera vainement de lui faire prendre conscience de son crime et de sa culpabilité. Enfermé dans son univers mental en de ça de tout questionnement moral et donc de sentiment de culpabilité, il est incapable de remettre en question son comportement. On pourrait croire que sa situation familiale particulière est la cause de cet aveuglement : élevé par une grand-mère âgée et sans référence parentale proche (du père il n'est point question et la mère, elle, ne fera qu'une fugitive apparition...). Mais on s'aperçoit que ses camarades, complices du viol, ne se situent guère autrement. Ils ont pourtant des parents, des pères, et qui seront très présents et très actifs lorsqu'il s'agira de camoufler l'affaire. Ce qui, évidemment, ne sera pas favorable à l'expression d'un repentir éventuel de leurs fils.

En rapprochant cet adolescent, coréen, de celui du film "Paranoïd Park" (présenté sur le blog précédemment), américain lui, on perçoit une approche un peu différente du questionnement sur le sentiment de culpabilité. Si le jeune coréen semble ne même pas percevoir une telle culpabilité (à tel point que Mija n'aura pas d'autre solution que de le dénoncer pour le faire arrêter), le jeune américain lui aura recours à l'aveu, certes "désocialisé" puisqu'il se fera dans une écriture qui restera privée.

N'y aurait-il donc, dans la production cinématographique contemporaine et internationale, aucun portrait de jeunes capables de se mettre en question de manière éthique et d'assumer leurs responsabilité ? A notre connaissance un film américain de Jacob Estes, "Mean Creek", distribué en France en 2005, s'affrontait à cette question. Il s'agissait d'un groupe d'adolescents embarqué sur une rivière de l'Oregon pour fêter l'anniversaire de l'un d'entre eux. Mais à cette aimable fête se mêlait un désir de vengeance vis-à-vis de l'un d'entre eux qui s'en prenait facilement à des camarades plus faibles. Ce projet de règlement de compte tournant mal, le groupe se divise face à la conduite à tenir. On y voit alors ces adolescents en proie à un débat intérieur au sujet de leur responsabilité. Ces 5 jeunes parlent, discutent et expriment leurs doutes quant à leurs actes et leurs décisions. A l'issue du film nous saurons que certains accepteront d'assumer leurs responsabilités dans ce qui s'est passé. La quasi absence de personnages adultes et de parents fait penser à "Elephant" (de Gus Van Sant) Mais dans ce dernier film aucune réflexion ni prise de conscience chez les jeunes meurtriers, ce qui les rapproche du petit-fils de Mija dans "Poetry". (Maguy Chailley)