dimanche 12 juin 2011

Avoir un père : un problème au cinéma …..

Deux films de la sélection officielle du Festival de Cannes 2011 (et récemment sortis en salle) illustrent chacun à leur manière la difficulté, pour un garçon, d’avoir un père.

Dans « Tree of life » de Terrence Malick , Jack a un père extrêmement pesant tant par la dureté de ses exigences éducatives que par l’affection qu’il sollicite, voire même qu’il exige, ce qui ne manque pas de mettre Jack dans une situation affective pleine de contradictions. Et le film montre, sans jamais démontrer, comment monte peu à peu chez l’enfant la haine du père qui va aller jusqu’au désir de le voir mort voire même de le tuer. Ces bouffées de souvenirs qui adviennent à Jack devenu adulte, et ayant sans doute réalisé le projet que son père avait pour lui (« réussir » dans sa vie professionnelle), prennent l’allure de flashes ou de scènes brèves de la vie familiale, sans qu’un récit précis ne s’y forme. C’est un des aspects très réussis de ce film de nous faire pénétrer dans la mémoire de Jack sur un mode émotionnel tout en faisant apparaître, grâce à une voix-off renvoyant à sa pensée intérieure, l’avènement progressif de sa conscience qui devient peu à peu conscience morale.

Avec une esthétique et une mise en scène extrêmement différentes, les frères Dardenne, tiennent-ils un propos comparable dans « Le gamin au vélo »? Cyrill a bien un père lui aussi, mais un père qui refuse d’assumer sa paternité. Ce père est joué par le même acteur que celui qui, dans « L’enfant », était déjà un père particulièrement immature puisqu’il allait même jusqu’à vendre son propre nouveau-né. Ici il a confié son fils à une institution. Et Cyrill est tout entier à son obsession de retrouver ce père et que celui-ci le reprenne avec lui ou tout au moins lui manifeste sa présence en lui téléphonant. Rien ne peut le convaincre ni lui faire accepter cet abandon. Et même lorsque il l’entendra clairement de la bouche de son père (sous la pression de Samantha qui refuse d’être le porte-parole de cette déclaration de rejet) il continuera à chercher des moyens de le ramener à lui en lui apportant de l’argent qu’il a volé. Mais il devra se rendre à l’évidence : ce n’est par manque d’argent que son père le rejette, c’est par manque d’attachement et de sens des responsabilités. Samantha arrivera, elle, à le convaincre de l’attachement qu’elle lui porte, par des actes simples mais toujours référés à la loi humaine. Et c’est cela que Cyril semblera accepter lorsqu’il la rejoindra, avec le charbon de bois qu’elle attend pour le barbecue organisé avec des voisins, malgré l’accident dont il vient d’être victime.

Extrême sobriété dans « Le gamin au vélo », abondance d’images symboliques et de jeux complexes de caméra dans « The tree of life », au service d’un même propos : la difficulté d’avoir un père et de renoncer à lui pour s’assumer comme sujet. (Maguy Chailley)