lundi 19 mai 2008

Les jeunes aux infos, ça donne quoi ?

Quelle place les journaux télévisés réservent-ils aux jeunes ? Après visionnage des 13 heures de France 2 toute la semaine dernière (du lundi 12 au dimanche 18 mai 2008), on serait tenté de répondre qu’elle n’est pas bien importante. Evidemment, lundi de Pentecôte oblige, ce sont les personnes âgées qui étaient à l’honneur ce jour-là, et c’est bien normal. Tout comme le traitement et le suivi en plusieurs « épisodes » des dossiers lourds de l’actualité, tels que le tremblement de terre chinois qui a causé plusieurs dizaines de milliers de morts, la mise en place de l’aide internationale en Birmanie et, en France, deux sujets politiques à l’origine de polémiques : le service minimum d’accueil dans les écoles en cas de grève et le projet de loi sur les OGM.
Pas de « grosse actu » sur les jeunes donc, mais on sent tout de même qu’ils préoccupent l’opinion par le biais des quelques brèves et reportages qui leur étaient consacrés ces derniers jours. C’est déjà un bon point, on s’y intéresse ! Lundi, d’abord, à l’annonce de Jean-Louis Borloo de rendre obligatoires les éthylotests dans les débits de boisson. « C’est une très bonne chose, s’enthousiasme un femme au micro du journaliste. Peut-être plus pour les jeunes car ils ne sont pas conscients du danger ». Effectivement, on nous le rappelle dans le reportage : ils sont la « cible prioritaire » de cette action. Or, pour la petite piqûre de rappel, Elise Lucet est revenue vendredi sur ces mesures préventives en expliquant que les enseignes de supermarchés ont signé une charte, afin d’afficher dans les rayons des pancartes précisant que la vente d’alcool est interdite aux mineurs. La raison est simple : « la consommation d’alcool chez les adolescents devient inquiétante », nous dit-on, discours relativement récurrent dans les médias ces temps-ci.
Autre source de souci : les relations des jeunes à Internet. Mercredi, un sujet de deux minutes détaille les dernières mesures favorisant le contrôle de la navigation des enfants sur le web. Alors que le gouvernement envisage d’intercaler, comme cela se fait déjà dans d’autres pays européens, des pages qui bloqueraient l’accès à certains sites jugés inappropriés dans le cadre d’une consultation par un public jeune, MSN lance de son côté un logiciel gratuit de contrôle parental, permettant notamment d’accepter ou de refuser les contacts de ses enfants. Le lendemain, en guise de sonnette d’alarme, on enchaîne avec l’annonce de la disparition de Fatima, 20 ans, qui avait rendez-vous avec un inconnu suite à une annonce qu’elle avait passée sur Internet pour proposer ses services de baby-sitter. Or, on ne le sait que trop, les personnes portées disparues sont nombreuses. Si celle-ci a attiré l’attention des caméras de France 2, c’est sans doute en partie parce qu’elle est liée à l’usage du net...
Et justement, Internet est aussi une voie de communication qui favorise ce que l’on appelle la « prostitution étudiante », thème du Magazine du samedi. Des jeunes – le plus souvent des filles – « monnayent leur corps » pour financer leurs études. De quoi terminer la semaine en beauté pour les parents qui n’étaient pas assez angoissés par les reportages précédents ! Heureusement quand même, Laurent Delahousse souligne qu’il ne s’agit pas d’une « tendance lourde ». On respire… Bien que lui-même cafouille un peu dans sa présentation : il parle d’abord d’un « phénomène qui existe », puis somme deux minutes plus tard au téléspectateur de ne « pas en faire un phénomène »… Là, on est un peu perdus. Par la suite, on s’affole encore. Une jeune femme témoigne et raconte : « Je ne suis pas la seule ». D’après elle, cela serait coutumier « partout, partout en France ». Mais ce sont surtout les dires d’une de ces filles qui interpellent, quand elle explique devant la caméra qu’en fait il y a d’autres moyens de gagner de l’argent et que si l’on choisit ce biais-là c’est aussi pour le « fantasme », parce que c’est « un jeu qui peut être sympa si l’on tombe sur quelqu’un de bien ». Là encore, on accueille la nuance avec soulagement : une personne membre d’une association venant en aide aux jeunes prostitués va à l’encontre de ces déclarations en insistant sur le fait qu’ « on ne devient jamais prostitué par choix ».
Décidément, les sujets qui touchaient aux jeunes cette semaine avaient de quoi faire froid dans le dos. On a quand même cherché des choses un peu plus gaies… « Un adolescent de 14 ans interpellé pour le feu qui s’est déclaré dans la gare de Coutras »… non, toujours pas ! Un autre jeune a d’ailleurs fait l’actualité suite à un délit, mais cette fois ce sont surtout les policiers qui ont été montrés du doigt… Selon les témoins, l’arrestation d'Akim, 22 ans, a été « très musclée ». Il est finalement décédé le jour-même. Pour le caractère joyeux, on fait encore un « flop »…
L’exception, c’était mardi. La remontée de Grenoble en Ligue 1 de football relégation nous a offert des images de jeunes festifs. Pas de casse, pas de bagarre, on nous parlait seulement d’un « pure délire de supporters qui font tout et n’importe quoi dans le centre ». Au moins, à défaut de démarche innovante et réfléchie, la bonne humeur était bien là ! D’autant que quelques minutes avant, un reportage sur la sauvegarde des langues régionales avait mis l’accent sur les écoles occitanes en donnant la parole aux collégiens. Il y a donc de l’espoir, les jeunes aux infos, ça peut aussi être pour le meilleur et non pas toujours pour le pire… Virginie Gruenenberger

mardi 13 mai 2008

"Justice" enflamme la toile

Comme il a l’air loin le temps où le duo d’électro français Justice nous présentait des clips colorés et emprunts de bonne humeur. Lointain soudainement l’air joyeux et dansant de leur dernier single qui cartonnait dans les cours des lycées et sur les pistes de discothèques. Il y a en effet un fossé incroyable entre la valse des T-shirts du tube Dance et le matraquage haineux de Stress, dont le clip circule en ce moment sur le net. Pendant plus de six minutes, sur une musique angoissante, des jeunes d’une cité encapuchonnés s’offrent une petite virée et cassent tout sur leur passage… et surtout la figure des passants. Evidemment, ça interpelle. Et ce d’autant plus que les jeunes en question sont des noirs et des maghrébins et que l’on colle ainsi aux stéréotypes malheureusement tenaces qui circulent sur les cités. La « racaille », c’est évidemment eux ! Bien sûr, on peut y voir un clip « coup de poing », avec l’intention de provoquer à l’extrême pour marquer les esprits. On a envie d’y croire en tous cas, surtout lorsqu’on sait que le réalisateur de cette petite bombe de violence n’est autre que Romain-Gavras, fils du cinéaste Costa-Gavras. Cela ne peut qu’étonner puisqu’il fait partie du collectif d’artistes Kourtrajmé, dédié à la passion du hip-hop et de la culture urbaine, et qui compte parmi ses membres Vincent Kassel et Mathieu Kassovitz, tout deux largement engagés dans des actions pour les jeunes vivant dans les cités.
Mais tout de même, on cherche le message… En vain. Une déferlante de révolte liée à ce que la société propose aux classes sociales les moins favorisées ? Des actes de violence et de vulgarité absurdement gratuits ? La représentation stéréotypée et exacerbée qu’a la population française de ces jeunes de banlieue ? On ne sait trop où le groupe se positionne, d’autant que ni ses membres ni le réalisateur du clip n’ont souhaité s’expliquer auprès des médias. On retient par contre les doigts d’honneur, les insultes, la casse, les voitures qui brûlent etc. et on le regrette ! Car ces images créent une polémique qui, encore une fois, donne une bien piètre vision de la jeunesse de ces quartiers! Injuste Justice… Emma